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Clarensac inscrit ses délibérations sur la blockchain
Publié le 24/10/2025 — Christophe MAS, Directeur Général des Services

Résumé
A titre expérimental, la Commune de Clarensac a procédé à l’inscription sur la blockchain de quatre délibérations issues du dernier conseil municipal du 02/10/2025 (Lien vers le dernier conseil).

Cette démarche vise à garantir l’intégrité, l’horodatage et la permanence des documents publiés par la commune.

Clarensac se positionne, à notre connaissance, comme la première commune au monde à inscrire ses délibérations sur une blockchain publique. Bien que d’autres initiatives existent (cf. partie « les autres initiatives »), elles portent sur d’autres domaines / documents / registres. Cette expérience se veut donc pédagogique avec la volonté d’ouvrir la discussion sur l’usage de cette technologie au sein de l’administration publique et d’échanger sur le sujet avec d’autres collectivités, en France et à l’étranger.


A la genèse, un constat

L’administration, comme la société, tend à se moderniser. L’accent est mis aujourd’hui sur la dématérialisation des procédures et sur l’informatisation des procédés.

Or, actuellement la digitalisation de l’administration française est limitée notamment par :

  • des pratiques ancrées dans les habitudes des collectivités / institutions publiques
  • une réglementation qui mêle à la fois fonctionnement « papier » et « informatique ».
  • les outils numériques utilisés, issus du Web 2.0 (cf Web 1.0, Web 2.0, Web 3.0 : définition et différences)

Ci-après un exemple contradictoire qui met en exergue le mélange des genres « papier – informatique » :

Les collectivités sont tenus de publier de façon électronique leurs actes (exemples des délibérations ou des arrêtés) et de tenir en parallèle des registres papiers, reliés, de ces derniers afin d’en « assurer » l’intégrité – l’immutabilité – la conservation (cf Fiche-n°2-la-tenue-des-registres-des-deliberation.pdf – ou encore Collectivités locales.gouv). Une pratique à rebours de la digitalisation.

Que ressort-il de cet exemple ?  

D’une part, la volonté de l’administration d’assurer la traçabilité, la sécurité, l’immutabilité des informations.

D’autre part, qu’en l’absence de moyens dématérialisés suffisants, l’administration pallie à ce manquement en conservant la mise en place de procédés traditionnels, à savoir l’utilisation du papier.

Pour autant, une autre question se pose : quid de l’intégrité et de l’absence de possibilité de modifier des informations (immutabilité) lorsque ces dernières sont contenues dans un registre papier conservé directement en mairie ?

En l’état actuel des procédés, une collectivité avec une intention frauduleuse qui souhaiterait falsifier un acte pourrait aisément modifier le fichier publié électroniquement sur son site internet, voire remplacer l’acte papier original par un acte frauduleux.

Focus sur les délibérations

Les collectivités territoriales prennent des décisions par le biais de délibérations votées en conseil municipal. Ces actes réglementaires traduisent les choix politiques et administratifs de la collectivité (budget, marchés, ressources humaines…).

Une fois votées, les délibérations doivent être publiées pour devenir exécutoires, conformément au Code général des collectivités territoriales (CGCT).

A ce titre, le CGCT (Article R2131-1 – Code général des collectivités territoriales – Légifrance) dispose que :

« I. ‒ Les actes publiés sous forme électronique sont mis à la disposition du public sur le site internet de la commune dans leur intégralité, sous un format non modifiable et dans des conditions propres à en assurer la conservation, à en garantir l’intégrité et à en effectuer le téléchargement.

La version électronique de ces actes comporte la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de leur auteur ainsi que la date de mise en ligne de l’acte sur le site internet de la commune. La durée de publicité de l’acte ne peut pas être inférieure à deux mois. »

Et l’article L.2131-1 (Section 1 : Publicité et entrée en vigueur (Articles L2131-1 à L2131-5) – Légifrance) de préciser : « III.- Les actes réglementaires […] font l’objet d’une publication sous forme électronique […] de nature à garantir leur authenticité et à assurer leur mise à disposition du public de manière permanente et gratuite. »

Si l’on résume l’esprit du texte de loi, il est donc demandé aux collectivités territoriales de publier de manière électronique leurs actes afin d’en assurer l’authenticité, la permanence, l’immutabilité, l’intégrité et la conservation.

Or, en l’état actuel des pratiques et des outils mis à disposition de l’administration, comment peut-on considérer que la simple publication d’un document au format PDF sur le site internet d’une commune soit à même de remplir les conditions susvisées ?    

Comment peut-on s’assurer qu’une collectivité ne sera pas mesure de supprimer le document PDF de son site internet pour le remplacer / modifier / falsifier ?

Quelle solution pour l’administration ?

Face à ce constat, il existe un outil capable d’assurer tout ou partie des obligations imposées par le législateur, il s’agit de la technologie blockchain (Qu’est-ce que la chaîne de blocs (Blockchain) ? | Ministère de l’Économie des Finances et de la Souveraineté industrielle et énergétique). Elle permet d’héberger des données en respectant toutes ces conditions : durée, intégralité, intégrité, immutabilité, horodatage, etc.

Encore méconnue du secteur public, il s’agit d’une technologie de stockage et de transmission d’informations, transparente, sécurisée et décentralisée. Elle fonctionne comme un registre numérique dans lequel chaque information (appelée « bloc ») est horodatée, chiffrée et liée aux précédentes, rendant toute modification impossible sans laisser de trace. Cela garantit l’intégrité, la traçabilité et la fiabilité des données publiées.

Dès lors cette technologie permet :

Pourquoi et comment inscrire une délibération sur la blockchain

Comme l’on vient de le voir, publier les actes réglementaires d’une collectivité, en l’espèce les délibérations, sur une blockchain publique permettrait donc d’en assurer l’authenticité et l’intégrité.

Dès lors, que publier ?

Points de vigilance retenus :

  • Données personnelles : il convient de ne pas inscrire de données personnelles identifiantes en clair sur une blockchain publique. La CNIL recommande la pseudonymisation / anonymisation ;
  • Droit à l’effacement : la blockchain est immuable, il convient de garder cela à l’esprit au regard des obligations susvisées ;

Pour approfondir la question des interactions entre protection des données et blockchain, nous nous sommes appuyés sur les travaux du cabinet d’avocats américain Hogan Lovells (digital-client-solutions.hoganlovells.com) from Winston Maxwel & John Salmon que je remercie pour le rapport.

Au regard de ces éléments, une solution a émergé. Plutôt que de publier sur la blockchain l’entièreté du document, la pratique retenue consiste à n’inscrire que des empreintes numériques (« hash ») ou des métadonnées relatives aux délibérations. Pour se faire, nous avons utilisé un algorithme appelé SHA-256 que voici expliqué simplement :

Pensez au SHA-256 comme à l’empreinte digitale unique d’un fichier PDF : tout fichier numérique dispose d’une empreinte qui se matérialise par une série de chiffres et de lettres (exemple : A21F987111FED4091B25AE29358C38CB91745A4752F8379ED79493C9641BB2B9)

Deux fichiers différents (même si une seule virgule change !) auront toujours des empreintes différentes. De fait, en inscrivant le numéro SHA-256 du PDF sur la blockchain, on crée trois garanties simples et immédiatement vérifiables :

Intégrité : si le fichier hébergé sur le site internet de la collectivité a la même empreinte (SHA-256) que celle inscrite sur la blockchain, il n’a pas été modifié depuis l’inscription.
Horodatage : la blockchain enregistre l’heure et la date de l’inscription ; on sait donc quand l’acte a été rendu immuable.
Permanence publique : la preuve d’inscription est publique et consultable à vie par n’importe quel administré.

Comment vérifier soi-même l’empreinte numérique d’un fichier

  1. Télécharger le PDF d’une délibération depuis la page dédiée sur le site clarensac.fr : Conseil Municipal du 2 octobre 2025 – Mairie de Clarensac
  2. Utiliser cet outil en ligne SHA256 File Checksum – Online Tools et faites glisser votre fichier PDF pour obtenir son empreinte numérique unique

Exemple avec le fichier pdf de la délibération 01-10-2025 : en rouge, l’empreinte SHA

  1. Autre possibilité sous Windows avec l’outil 7-ZIP : clic droit sur le fichier pdf → 7-ZipCRC SHASHA-256 (on obtient l’empreinte)
  2. Vérifier que l’empreinte obtenue correspond à celle inscrite dans la transaction blockchain (cf liens ci-dessous). Si les deux empreintes diffèrent, le fichier a été modifié.

Ce que nous avons fait (en clair)

Comme pour tous les conseils municipaux, les délibérations sont publiées sur le site de la commune : https://clarensac.fr/conseils-municipaux/conseil-municipal-du-2-octobre-2025/.

Afin d’essayer plusieurs procédés, nous avons réalisé deux types d’inscriptions. Voici les délibérations concernées avec liens & preuves sur la blockchain :

  1. NFT

Délibération n°01-10-2025 — Décision modificative n°1 – Budget principal – Exercice 2025 — nous avons hébergé un fichier numérique sur la blockchain auquel est rattaché plusieurs données : l’URL du document publié sur le site de la commune, le SHA-256 du PDF et l’identification de la délibération

Techniquement il s’agit d’un token non fongible de type SFT dont les métadonnées contiennent les éléments susvisés

 Le fichier est consultable publiquement à l’adresse suivant : xspotlight.com

Comprendre ici que l’image comme les données identifiées en rouge ne peuvent plus être supprimées. Ces éléments sont inscrits de manière permanente sur la blockchain. On y retrouve notamment l’empreinte numérique du PDF hébergé sur le site internet de Clarensac

En outre, chaque fichier numérique reste associé à une transaction dont voici le lien en l’espèce : NFT Transactions • MultiversX Explorer

  1. Inscription dans une transaction

    Pour les délibérations n°02, n°03 et n°04 — nous avons effectué une transaction sur la blockchain contenant les éléments clés suivants : date du conseil, numéro de délibération, lien URL vers le document hébergé sur le site 

    -> DEL02-10-2025Convention entre Nîmes Métropole et Clarensac (implantation de conteneurs enterrés) ;
    Transaction : https://explorer.multiversx.com/transactions/4b4cb931cf503387185e14d7b5d47143191d2c8d96d48eddffeab2fa7c81a1cb. (explorer.multiversx.com)

    ->DEL03-10-2025Demandes d’aides financières — extension/amélioration des arènes municipales ; Transaction : https://explorer.multiversx.com/transactions/3dd852e7d752726f5a225e6bf556ca624f3331eea7ba33ef15520d765ba4b51e. (explorer.multiversx.com)

    ->DEL04-10-2025Participation au financement des contrats & régimes labellisés pour le risque santé des agents ; Transaction : https://explorer.multiversx.com/transactions/d1a671678d45082bab513323eb595f4fbcfd2c05574c3d63f9b470e110bd4176. (explorer.multiversx.com)

Exemple ci-après avec la délibération n°02-10-2025 où l’on retrouve, en rouge, les éléments clés de la délibération avec l’empreinte numérique du fichier pdf

« Clarensac – Gard – France – CM du 02/10/2025 – Delib 02-10-2025 – https://clarensac.fr/conseils-municipaux/conseil-municipal-du-2-octobre-2025/ – SHA256 : C13AEFAB51BB567A9D2AC5B53EC341ED4EBAFCC97432C0D839328CDDBA3835E2 »

De facto, les quatre documents sont publiés sur le site internet de la commune et la blockchain sert de registre d’empreinte/horodatage garantissant à tout moment que le fichier publié correspond bien au document original voté en séance

Choix technique : pourquoi MultiversX ?

Nous avons choisi la blockchain MultiversX (multiversx.com) pour sa simplicité d’usage, son niveau de sécurité, sa décentralisation et ses coûts très faibles — adaptés à une collectivité locale.

Elle est également neutre en carbone (The Carbon-Negative Blockchain | MultiversX Sustainability) avec une consommation énergétique extrêmement faible en comparaison avec d’autres blockchains (notamment de type proof-of-work, i.e. : bitcoin), ce qui est un atout indéniable pour une infrastructure responsable.

Point d’attention : aucun aspect spéculatif n’est en jeu. Le NFT émis pour la délibération n°1 n’a aucune valeur monétaire. L’utilisation de la technologie en est indépendante. Pour autant, s’il convient de payer des frais de réseau pour effectuer des transactions, en l’espèce, les quatre transactions réalisées ont généré des frais cumulés d’environ 0,02 € au total – un signal fort sur la viabilité économique d’une telle expérimentation dans les collectivités.

Les autres initiatives, en France et dans le Monde

A notre connaissance, aucune autre commune n’a encore procédé à la mise en place d’une telle procédure pour ses délibérations (organe délibérant). C’est pourquoi nous restons à l’écoute d’initiatives du même type dans tout type d’administration.

Car la blockchain est toutefois utilisée dans de nombreux secteurs et des initiatives existent, exemples :

Administration / contexteProcédure mise en œuvreCe que fait la blockchain / reconnaissanceStatut / portée
Gendarmerie nationale / C3NUtilisation d’un smart contract sur la blockchain publique Tezos pour valider certaines transactions / opérations internes. (clubic.com)Permet de sécuriser et automatiser des opérations, avec horodatage, immutabilité.Opérationnel pour certaines usages spécifiques (R&D / sécurité) mais pas une généralisation à tous les services.
Ifocop (organisme de formation, relevant d’un organisme public ou semi-public)Délivrance de diplômes/d’attestations numériques sécurisées par blockchain via BCdiploma. (Le Monde Informatique)Le diplôme numérique est certifié : lien URL unique, document infalsifiable, vérifiable par tiers.Déjà appliqué : Ifocop a délivré une première vague de diplômes de cette manière.
Tribunal judiciaire de MarseilleReconnaissance juridique d’une preuve issue d’un enregistrement blockchain dans un procès de contrefaçon (propriété intellectuelle) (blockchainyourip.com)La preuve basée sur des horodatages blockchain (ici Bitcoin) a été acceptée comme valeur probante pour établir l’antériorité d’une création.C’est une décision judiciaire : crée un précédent pour l’usage de la blockchain comme mode de preuve.
Université de Lille / éducation / projets EBSIUtilisation de la blockchain européenne (EBSI – European Blockchain Services Infrastructure) pour diplômes et certificats numériques, moderniser les procédures aux étudiants. (bcdiploma.com)Permet la vérification, la traçabilité, la confiance dans la délivrance des certificats, échanges européens.Projets en cours / expérimentaux dans plusieurs universités.

Ou encore à l’étranger :

Les médias également participent à la démocratisation de la blockchain (exemples CryptoastJournal Du CoinBFM Crypto – Hasheur Le pari fou du New York Stock Exchange sur la blockchain).

Très récemment, le 23/10/2025, comme le rapporte Grégory Raymond (The Big Whale) sur X, le Ministre de l’Europe et des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot déclarait, sur scène, lors du Ledger Open 2025 : « La solution pour concilier liberté et protection réside justement dans le Web3 et la blockchain […] Des technologies capables de protéger nos enfants de contenus nocifs, de protéger nos concitoyens contre les piratages, les arnaques, et de garantir la sécurité des transactions numériques. Si nous n’atteignons pas ces deux objectifs — souveraineté et sécurité numériques — alors le numérique finira par perdre le soutien des citoyens, qui n’en verront plus que les risques ». Une preuve de l’intérêt grandissant du gouvernement sur le sujet.

CONCLUSION

Par la présente, la Ville de Clarensac expérimente donc la publication de ses délibérations sur la blockchain. Cette initiative s’inscrit pleinement dans la modernisation et la transparence de la vie municipale.

C’est un projet innovant qui permet d’asseoir la confiance citoyenne et de renforcer la gouvernance numérique locale.

Le présent cas d’usage permet de démontrer que la blockchain peut être employée au service de l’administration et des citoyens, sans côté spéculatif. Le tout dans le respect des obligations imposées par la réglementation, dans son esprit le plus abouti.

Cette démarche, qui s’inscrit dans une transparence complète de l’administration, se veut être une porte ouverte au débat sur les autres possibilités qu’offre la blockchain à l’administration (publication des budgets ; gouvernance / vote / élections ; preuve d’horodatage dans la mise en concurrence et la passation des contrats publics ; originalité des documents ; titres sécurisés / documents d’identité, passeport, permis, etc). Des discussions seraient opportunes à mener auprès d’autres décideurs publics, via l’AMF ou encore le SNDGCT.

En conclusion, nous souhaitons que la mise en exergue de ce cas d’usage soit une ouverture à la réflexion sur le sujet, ouvre la porte à d’autres débats, d’autres cas d’utilisations, et peut-être un jour démocratisera-t-on l’utilisation de la blockchain au sein de l’administration.

Vers une administration 3.0 ?

Christophe MAS

Directeur Général des Services

Nota : un remerciement spécial à Lucas Cherfils de l’ADAN pour les échanges et conseils (L’Adan représente les acteurs du Web3 en France et en Europe)

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